Mon mari - Maud Ventura ****

J'ai passé un moment délicieux de lecture en découvrant Mon mari, première oeuvre de Maud Ventura. J'ai aimé découvrir les états d'âme ô combien complexes et torturés de cette charmante héroïne, aussi belle et innocente que fragile, malmenée par un époux distant et peu attentionné. Et il faut bien se dire que la demoiselle use de subterfuges pour attirer l'attention à elle, avoir un minimum de tendresse quitte à dépasser certaines limites et à se retrouver dans des situations improbables. 


N'attendez aucune morale ici, Mon mari est un récit décapant d'une relation toxique où la violence domestique ne s'exprime ni (peu) par les mots ni par les gestes brutaux mais plutôt par la manipulation des âmes. Et oui, assurément, Mon mari est un écrit subtil, une plongée dans un couple disséqué au jour le jour et à l'heure près. Tout est parfaitement circonscrit, décortiqué à l'instant près.

Pour une première œuvre, c'est une réussite complète qui a rencontré son public et le succès (archi-mérité). Le scénario tient la route, il y a des scènes mémorables : je n'oublierai pas de sitôt l'épisode clémentine, le résumé d'une personnalité en trois mots, l'anniversaire de la fille, les jours avec ou sans sexe. Au cours de ma lecture de Mon mari, j'ai beaucoup ri, j'ai souri, ce livre m'a fait du bien.

La plume de Maud Ventura est bondissante et pleine d'énergie, et très précise dans les rapports humains et la description psychologique de ses personnages. Le traitement de Mon mari tient la route tout le temps, et la chute finale est diablement fantastique. Un sans-faute.

Collection Proche
Éditions Les Arènes et l'Iconoclaste.

La Photo du Mois #103 : Apéritif

 Sur une idée de Blogosth


Parce que cela m'arrive très souvent de troquer un apéro pour un café savoureux avec une vue splendide, parce que j'aime ce moment d'après-balade matinale en bord de mer, parce que j'aime l'amertume du café, parce que cette photo prise en septembre 2020 avait le très bon goût d'une liberté retrouvée de mouvement.

 

Le sel by Olivia Ruiz

Première écoute, coup de cœur... Paroles profondes, musique très sympa, voix douce et articulation impeccable. J'aime les variations de ton, qui respectent la respiration de deux langues (le français et l'espagnol), j'aime l'adéquation de la musique et de la voix.
J'ai tardé à déposer ici ce petit bijou mais à force de l'écouter, à force d'être subjuguée, forcément les barrières de réticence tombent.

En écrivant cet hommage à son petit garçon, Olivia Ruiz choisit Le sel pour lui adresser un message d'amour et de conseils avec deux nuances linguistiques : quand le français employé se veut poétique et cajoleur, l'espagnol donne un discours plus profond, une conduite de vie. Touchant.

Quand tout fout l'camp,
Que la vie coupe mes jambes
Quand je pleure, quand tu trembles
Que notre terre flambe.
Quand tout semble insurmontable
Que mes forces me quittent
Que j'me cache sous la table.

Que mes heures se délitent.

Il suffit que tu apparaisses
Pour repousser les vents.
Il suffit que je te reconnaisse.

Car tu es le sel
La cannelle, le piment
Tu es le sucre, le miel
Je suis l'enfant
Tu es la cannelle, le piment
Émerveillée,
Je suis l'enfant.

Mi cielo, mi vida, mi amor, mi cariño, mi bichoncito
Mi cielo, mi vida, mi amor, mi bichoncito

Quand je m'ennuie
Que les jours perdent leur saveur
Quand la vie fuit
Qu'il ne reste que la torpeur.
Quand le froid me saisit et me fige.
Que la lassitude m'affaiblit et m'oblige.
Il suffit que je te regarde
Pour que le ciel s'allume.
Il suffit que je te regarde.

Car tu es le sel
La cannelle, le piment.
Tu es le sucre, le miel.
Je suis l'enfant.
Tu es la cannelle, le piment
Émerveillée,
Je suis l'enfant.

Mi cielo, mi vida, mi amor, mi cariño, mi bichoncito
Mi cielo, mi vida, mi amor, mi cariño, mi bichoncito

Tu sonrisa, mi gasolina
Tu piel, mi calma

Car tu es le sel
La cannelle, le piment
Tu es le sucre, le miel
Je suis l'enfant

Tienes el poder de escoger tu destino
El poder de escribir tu destino
Será a tu imagen
Más suave que el algodón
Más poderoso que el león
No seas sabio y obediente
Como a menudo te piden
Sé justo, tenaz y sincero
Sé sólo tú, sé sólo tú

[Nouvelle] Récitatif - Toni Morisson (entre **** et *****)

Récitatif est la seule nouvelle écrite par Toni Morisson, écrivaine de haut vol, prix Nobel de Littérature, qui ne laissait, jamais mais au grand jamais, rien au hasard. 

Toni Morisson présente deux fillettes Twyla et Roberta, deux itinéraires de vie qui se rencontrent lors d'un séjour de quatre mois dans un foyer, et qui n'auront de cesse de se recroiser, au gré des événements politiques et sociaux, rencontres qu'elles mettront à profit pour éclaircir un traumatisme de leur passé commun.

Dans Récitatif, Toni Morisson met au défi ses propres lecteurs et leurs préjugés, préjugés sur la couleur de peau et le déterminisme social. De Twyla et de Roberta, on ne connaît que leurs différences de couleur de peau et de mère, puis de leurs itinéraires de vie et de leurs convictions politiques. Avec subtilité, Toni Morisson distille quelques détails suffisamment précis pour qu'on comprenne les enjeux de l'évolution sociétale (la fin d'une ségrégation scolaire, les séparatismes sociaux) mais imprécis pour déterminer l'appartenance à tel ou tel groupe ethnique (et là, le grand art de Toni Morisson est de laisser actionner les représentations de chacun, moi la première qui suis tombée dans le panneau des désignations... quand Toni Morisson assure l'identité de ses deux héroïnes non plus par leur couleur de peau mais par leurs liens familiaux, leurs lieux de vie, leur personnalité...un peu comme un CV anonyme qui permet de s'intéresser avant tout à l'être intérieur sans connaissance de son adresse, de son visage etc). Et ce traitement est génial parce qu'il permet de revisiter la notion d'identité, qu'il universalise son propos et qu'il lie le fond et la forme : il biaise le physique et les stigmatisations souvent ancrées pour s'atteler surtout au comportement, à l'intrinsèque de la personne, ce qui l'a façonnée, ce qui la façonne.

Récitatif offre aussi une revisite d'un conflit scolaire, celui de décloisonner les quartiers et d'assurer une plus large mixité des esprits, des visages, d'une société. Cette nouvelle riche aborde aussi le déclassement social et les jeux de pouvoir entre dominants et dominés, sur l'humain comme sur l'économie : édifiant. 

Un seul bémol : une fin ouverte et frustrante, qui manque de corps par rapport au reste et relègue l'ultime secret aux calendes grecques.

Une lecture passionnante, accompagnée d'une étude éclairante et documentée de Zadie Smith. À lire absolument et à étudier pour sa richesse littéraire.

Éditions 10/18.
Traduction de Christine Laferrière

De la même autrice : Délivrances Home

La Photo du Mois #102 : Petit et grand modèle

 Sur une idée de Blogosth


Une literie qui représente l'héroïne de mon aînée quand elle était petite... Une époque révolue mais qui a forgé son caractère d'aventurière.
Bref une Dora modélisante en petit (oreiller) et grand (housse de couette) formats !

Les autres participations : Oth67, Agatheb2k, Passiflore, La tribu de Chacha, Cigalette, Soene, CathyRose, Beatrice, Marenostrum, Renepaulhenry, Patricia Metais, Cristine, Mémé Yoyo, Christophe, Elea Laureen, Renée