Le désert et sa semence - Jorge Baron Biza ****

La première scène de Le Désert et sa semence relate les suites de l'agression au vitriol du visage d'Eligia (fille de Presotto), par Aron Gageac, narrées par Mario, en août 1964 (certainement le 16, comme dans la vie de l'auteur). Au fil des pages, on découvre la relation entre ces trois individus à forte personnalité : le triptique oedipien revisité et inversé, un couple parental bancal et peu équilibré d'intellectuels fortement impliqués dans la politique de leur pays, au prix d'emprisonnements fréquents et de nombreux exils à Montevideo (en Uruguay) et à Milan en Italie (berceau familial d'Eligia). La mère, Eligia, femme politique influente et éternelle rivale d'Eva Peron avant le crime, puis le père, Aron, écrivain multimillionnaire fan du marquis de Sade, engagé dans différents partis politiques, n'hésitant pas au cours de sa vie à contredire ses premières convictions et enfin, leur fils Mario de 22 ans perdu entre ses deux parents à l'amour passionnel (Eligia a 16 ans lorsqu'elle rencontre son futur mari, de vingt ans son aîné), se déchirant pendant près de 24 ans lors d' un divorce tumultueux, jamais prononcé (la dernière séance de conciliation se terminant à l'acide sulfurique, puis peu de temps après au suicide d'Aron), Mario hébergeant tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre. Le visage d'Eligia se décompose puis se consolide, au prix de multiples opérations de chirurgie réparatrice dans des cliniques renommées et coûteuses entre Buenos Aires et Milan, où parallèlement la vie de Mario se dégrade : alcoolisme aux liqueurs fortes (de préférence, au whisky écossais, la boisson préférée de son père... tiens donc, comme c'est bizarre ? ), des rencontres lugubres avec la prostituée Dina, quelques rayons de soleil (Sandie et son père, le couple Charles et Sarah) mais à chaque fois la fuite et l'errance, Mario résumant sa vie à être un protecteur et un soutien bancal de sa mère (ce qui n'est déjà pas si mal !).
Issu d'une histoire vraie et vécue par l'auteur Jorge Baron Biza, Le Désert et sa semence reste un texte âpre, fourni et rare, une sorte de quête personnelle pour comprendre et expliciter le passé parental et le cheminement des idées, parfaitement décrite avec des intrusions d'écrits du père et la lente reconstruction maternelle.
Les traducteurs, Robert et Denis Amutio ont tenté de nous faire saisir le cocoliche (mélange entre l'argentin et l'espagnol) avec difficulté. Mention spéciale à la pagination et l'illustration de Lorenzo Mattoti, l'objet livre devenant une œuvre picturale de grande qualité pour rendre hommage au dixième anniversaire de la disparition de l'auteur. Je remercie les éditions Attila pour avoir ajouté à cette grande œuvre, les sources de l'auteur et l'étude analytique de Daniel Link, documents qui permettent à la lectrice amatrice que je suis, de compléter ma perception de cette histoire.

Livre reçu et lu grâce au partenariat de Libfly/ Le Furet du Nord et les Éditions Attila : merci !

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